Avant la naissance de l'islam, la péninsule arabique n'était pas le désert aride et inculte souvent décrit. Contrairement à cette idée répandue, l'Arabie préislamique possédait une histoire politique, culturelle et religieuse d'une grande richesse.
L'Arabie préislamique était divisée en trois régions distinctes : l'« Arabie heureuse » au Sud (Yémen actuel), l'Arabie centrale peuplée de nomades et de sédentaires, et l'Arabie pétrée sous influence byzantine et perse. Cette période, que le Coran nomme jâhilîya (« ignorance »), était marquée par une diversité religieuse comprenant le judaïsme, des cultes polythéistes, le zoroastrisme et le christianisme.
À partir de 275, le royaume de Himyar unifia progressivement la péninsule en contrôlant celui de Saba, puis envahissant le Hadramaout vers 300. Entre 350 et 560, la majeure partie de l'Arabie fut sous sa domination. Après diverses confrontations avec les Perses, les Byzantins et le royaume d'Axoum, le pouvoir des Abrahides s'effondra vers 570-575, laissant les Perses prendre le contrôle de la péninsule.
Cette période de régression, qui s'étendait seulement sur deux générations avant l'hégire, prépara le terrain pour l'émergence de l'islam. En effet, "l'islam trouve autant son origine dans l'adaptation d'une population à la crise de l'Arabie au VIe siècle qu'à une évolution des civilisations de l'Arabie préislamique sur le long terme".
L'islam apparut au début du VIIe siècle sous l'impulsion de Mahomet. La révélation est datée d'environ 610. Chassé de La Mecque, Mahomet se réfugia à Médine en 622 (an I de l'hégire). À sa mort en 632, il avait conquis toute la péninsule arabique.
Par la suite, les armées musulmanes poursuivirent leur expansion. La conquête du Levant commença en 634 sous les califes Abu Bakr et Omar ibn al-Khattâb, avec Khalid ibn al-Walid comme principal chef militaire. Les Arabes profitèrent de l'affaiblissement des Empires byzantin et perse, épuisés par leurs guerres.
En Égypte, une armée d'environ 4 000 Arabes, dirigée par Amr ibn al-As, fut envoyée par le calife Omar. Arrivés depuis la Palestine en décembre 639, ils avancèrent rapidement jusqu'au delta du Nil. Après avoir reçu 5 000 renforts en 640, ils vainquirent les Byzantins à la bataille d'Héliopolis. Alexandrie se rendit le 8 novembre 641.
Après la mort de Mohamed, quatre califes se succédèrent entre 632 et 661, connus sous le nom de califes "Bien guidés" ou "orthodoxes".
Abu Bakr (632-634), premier calife, fit face à plusieurs révoltes en Arabie mais parvint à les mater avec l'aide de son général Khalid ibn al-Walid. C'est sous son règne que le Coran fut compilé en un ouvrage unique.
Omar (634-644), premier à être appelé « commandeur des croyants », instaura le calendrier musulman et poursuivit l'expansion. Sous son règne, les forces musulmanes écrasèrent les Byzantins à la bataille du Yarmouk, permettant la conquête de la Syrie, la Mésopotamie, la Perse, la Palestine et l'Égypte.
Othmân (644-656), présenté par la tradition comme le premier Mecquois converti à l'Islam, unifia le texte coranique dont plusieurs versions circulaient.
Ali (656-661), cousin et gendre de Mahomet, régna dans des conditions difficiles. Il dut faire face aux exigences de punition des assassins d'Othmân et à la révolte d'Aïcha, veuve de Mahomet. Son assassinat en 661 par un kharidjite marqua la fin du califat des Rachidoune et le début de la dynastie omeyyade.
Ces conquêtes répondaient à divers objectifs : islamisation, contributions financières sans conversion, Djihad, recherche de butins lors de razzias et contrôle des réseaux commerciaux.
Ainsi, en moins d'un siècle, une modeste communauté religieuse devint un empire s'étendant de l'Égypte à la Perse, transformant radicalement l'équilibre géopolitique de la région.
Après l'ère des califes bien guidés, plusieurs dynasties se succédèrent pour gouverner le vaste territoire islamique, chacune apportant sa propre vision politique et culturelle.
La dynastie omeyyade, fondée par Muawiya en 661, transforma le califat en monarchie héréditaire et déplaça la capitale à Damas. Cette période marqua l'arabisation de l'administration et l'introduction du premier système monétaire islamique. Sous le calife Abd al-Malik (685-705), l'arabe devint la langue officielle, remplaçant le grec et le persan dans les administrations. L'expansion territoriale atteignit son apogée avec la conquête de l'Espagne en 711 et les avancées jusqu'en France, stoppées à Poitiers en 732. Néanmoins, les tensions entre Arabes et non-Arabes et la marginalisation des convertis non-arabes conduisirent à leur chute en 750.
Les Abbassides, descendants de l'oncle du Prophète, renversèrent les Omeyyades et établirent leur capitale à Bagdad en 762. Cette nouvelle dynastie favorisa l'intégration des populations non-arabes, notamment persanes, dans l'administration. Sous le règne d'Haroun al-Rashid (786-809), le califat connut un âge d'or culturel et économique. Cependant, dès le IXe siècle, le pouvoir central s'affaiblit, donnant naissance à des dynasties autonomes dans les provinces éloignées tout en maintenant une allégeance formelle au calife.
En 969, les Fatimides, dynastie chiite ismaélienne originaire d'Afrique du Nord, conquirent l'Égypte et fondèrent Le Caire comme nouvelle capitale. Sous leur règne (969-1171), l'Égypte devint un centre commercial et intellectuel majeur. L'université Al-Azhar, créée en 972, reste aujourd'hui l'une des plus anciennes institutions académiques du monde. Leur tolérance religieuse permit aux communautés juives et chrétiennes de prospérer, tandis que leur flotte dominait la Méditerranée orientale.
Suite au déclin fatimide, Saladin fonda la dynastie ayyoubide en 1171. Son plus grand accomplissement fut la reconquête de Jérusalem en 1187, reprise aux croisés après 88 ans d'occupation. Cette victoire symbolique restaura le prestige du monde islamique. Les Ayyoubides renforcèrent l'orthodoxie sunnite et développèrent un système de madrasas (écoles religieuses) qui transformèrent l'enseignement islamique.
Les Mamelouks, esclaves-soldats d'origine turque et circassienne, prirent le pouvoir en Égypte en 1250. Leur plus grande réalisation fut l'arrêt de l'invasion mongole à la bataille d'Aïn Jalout en 1260, sauvant ainsi le monde islamique d'une destruction similaire à celle subie par Bagdad en 1258. Sous leur règne (1250-1517), Le Caire devint le centre politique et culturel de l'Islam, compensant la chute du califat abbasside.
L'expansion territoriale et la stabilité politique du monde musulman favorisèrent l'éclosion d'un remarquable foisonnement intellectuel entre le VIIIe et le XIIIe siècle. Cette effervescence culturelle, unique dans le monde médiéval, transforma profondément les sciences et la philosophie.
Fondée vers 830 par le calife abbasside Al-Ma'mūn, la Bayt al-Hikma (Maison de la Sagesse) devint rapidement le cœur battant de l'activité intellectuelle islamique. Cette institution sans précédent rassemblait érudits, traducteurs et chercheurs de toutes origines et confessions. Son immense bibliothèque abritait des milliers de manuscrits grecs, persans, indiens et syriaques traduits en arabe. Véritable centre de recherche pluridisciplinaire, elle permit la préservation et l'enrichissement des savoirs antiques que l'Europe avait largement perdus.
Parmi les brillants esprits de cette période, trois savants illustrent particulièrement l'excellence intellectuelle islamique. Al-Khwarizmi (780-850) révolutionna les mathématiques en développant l'algèbre et en introduisant le système décimal indien en Occident. Son nom même donna naissance au terme "algorithme".
Avicenne (980-1037), médecin et philosophe persan, rédigea le "Canon de la médecine", encyclopédie médicale qui fit autorité en Europe jusqu'au XVIIe siècle. Sa synthèse de la philosophie aristotélicienne avec la pensée islamique influença profondément les deux traditions.
Quant à Averroès (1126-1198), ce philosophe et médecin andalou produisit des commentaires si approfondis d'Aristote qu'il fut surnommé "le Commentateur" par Thomas d'Aquin. Son rationalisme et sa défense de la compatibilité entre foi et raison inspirèrent tant les penseurs musulmans qu'européens.
Durant cette période, les savants musulmans perfectionnèrent l'héritage grec et développèrent des disciplines entières. En médecine, ils pratiquèrent les premières anesthésies, décrivirent la circulation pulmonaire et compilèrent des pharmacopées exhaustives.
Les mathématiciens créèrent l'algèbre moderne, perfectionnèrent la trigonométrie et introduisirent le concept de zéro en Occident. En astronomie, ils construisirent des observatoires sophistiqués, calculèrent avec précision la circonférence terrestre et élaborèrent des tables astronomiques d'une précision inégalée.
À partir du XIIe siècle, ces connaissances commencèrent à irriguer l'Europe par l'intermédiaire de l'Espagne musulmane et de la Sicile. Des centres de traduction comme Tolède transposèrent en latin les œuvres arabes, déclenchant une renaissance intellectuelle européenne. Sans cette transmission cruciale, la Renaissance européenne n'aurait probablement pas eu lieu dans la forme que nous lui connaissons.
La civilisation islamique médiévale se distinguait particulièrement par sa dimension urbaine et commerciale, créant un espace d'échanges culturels sans précédent dans le monde médiéval.
Au Xe siècle, pendant que Rome et Paris n'étaient que des bourgades provinciales, Bagdad comptait plus d'un demi-million d'habitants. Cette "Ville du salut" incarnait le modèle de la ville-palais et représentait le carrefour des routes commerciales et intellectuelles. Par ailleurs, Le Caire, fondé en 969 par les Fatimides, devint rapidement un centre administratif et culturel majeur. En Espagne, Cordoue rayonnait comme capitale intellectuelle abritant une impressionnante bibliothèque de près de 400 000 ouvrages. Ces métropoles, véritables "villes-monde", constituaient des centres politiques, administratifs, commerciaux et culturels grâce à leurs grandes mosquées, bibliothèques et écoles.
L'économie du monde musulman se développa simultanément en Asie, en Afrique et en Europe. Dès le IXe siècle, l'animation du commerce maritime s'intensifia, d'abord à l'échelle de la Méditerranée musulmane puis progressivement dans un espace élargi à l'Europe chrétienne. Les ports comme Tunis, Tripoli et Alexandrie servaient d'interfaces entre réseaux maritimes et terrestres. Les marchands jouissaient d'un grand prestige dans la société islamique, bénéficiant d'une protection juridique et d'un système bancaire favorisant leurs activités. Le commerce transsaharien, notamment d'or, de sel et d'esclaves, reliait l'Afrique subsaharienne au monde méditerranéen.
L'art islamique présente une remarquable unité stylistique due aux déplacements des artistes et des œuvres. Si la représentation humaine est limitée dans les lieux religieux, elle abonde dans l'art profane, contrairement aux idées reçues. L'architecture islamique se distingue par ses dômes, minarets et motifs géométriques complexes. La calligraphie, considérée comme un moyen d'expression sacré, orne les édifices avec divers styles comme le Kufi, le Thuluth, le Naskhi et le Diwani. Les artisans excellaient également dans le travail du métal, de l'ivoire, du bois et de la céramique, atteignant souvent une grande perfection technique.
La prospérité de la civilisation islamique résidait dans sa tolérance et sa diversité. Bien que les liens entre l'arabe et l'islam soient évidents, certaines populations islamisées n'ont pas adopté l'arabe et certaines populations arabisées ne se sont jamais islamisées. Cette diversité linguistique s'accompagnait d'une remarquable cohabitation religieuse, particulièrement sous les Fatimides où les communautés juives et chrétiennes prospéraient. Ainsi, comme l'atteste une source historique : "Toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs. À l'inverse, c'est de l'isolement que meurent les civilisations".
Le déclin de cette brillante civilisation commença par une série d'événements dévastateurs qui mirent fin à plusieurs siècles d'innovations et de progrès.
En 1258, les armées mongoles dirigées par Houlagou Khan détruisirent Bagdad, centre intellectuel et politique du monde islamique. Cette catastrophe sans précédent causa la mort de centaines de milliers d'habitants et la destruction d'innombrables manuscrits. Les canaux d'irrigation, maintenus depuis l'époque babylonienne, furent anéantis, transformant durablement la région fertile en terre aride. Selon certains historiens, "les eaux du Tigre devinrent noires d'encre des manuscrits jetés dans le fleuve et rouges du sang des savants massacrés".
Tandis que les Mamelouks stoppaient l'avancée mongole à Aïn Jalout en 1260, une nouvelle puissance émergea progressivement. Les Ottomans, tribu turque initialement vassale des Seldjoukides, conquirent Constantinople en 1453, rebaptisée Istanbul, marquant ainsi le début d'un nouvel empire. Bien que puissants militairement, les Ottomans ne parvinrent pas à maintenir le même niveau d'innovation scientifique. Lorsqu'ils prirent le contrôle de l'Égypte en 1517, ils mirent officiellement fin au califat abbasside maintenu symboliquement au Caire.
Par ailleurs, l'héritage intellectuel et scientifique de la période islamique fut progressivement minimisé dans l'historiographie occidentale. Dès la Renaissance, l'Europe commença à se percevoir comme l'unique héritière des savoirs grecs, occultant le rôle crucial des savants musulmans dans la préservation et l'enrichissement de ces connaissances. Cette vision eurocentrée créa artificiellement un "âge des ténèbres" entre l'Antiquité et la Renaissance, ignorant ainsi la brillante civilisation qui florissait alors au Moyen-Orient et en Méditerranée.
Aujourd'hui, la réévaluation de la période islamique commence à prendre forme dans les milieux académiques et culturels. Cette renaissance intellectuelle s'appuie sur des travaux rigoureux qui replacent cette civilisation dans le continuum historique mondial.
L'étude de cette époque permet de comprendre l'origine de nombreux acquis scientifiques et culturels que nous considérons comme allant de soi. Par ailleurs, elle révèle les racines communes des traditions intellectuelles occidentales et orientales, souvent artificiellement séparées par les récits historiques modernes.
Dans le contexte géopolitique actuel, cette redécouverte offre également des perspectives enrichissantes sur le dialogue interculturel. En effet, prendre conscience des interactions fécondes entre cultures chrétiennes, juives et musulmanes durant cette période islamique peut servir de modèle pour notre monde contemporain.
Des musées comme le Louvre ou le Metropolitan Museum of Art proposent désormais des collections permanentes dédiées à cet héritage. Parallèlement, les programmes scolaires commencent à intégrer cette dimension essentielle de l'histoire mondiale.
Cette reconnaissance tardive nous rappelle néanmoins que l'histoire n'est jamais figée mais constamment réinterprétée. Ainsi, redécouvrir la période islamique ne constitue pas simplement un acte de justice historique, mais aussi une source d'inspiration pour affronter les défis de notre temps.
Q1. Quelle période est considérée comme l'âge d'or de la civilisation islamique ?
L'âge d'or de la civilisation islamique s'étend généralement du VIIIe au XIIIe siècle. Cette période a été marquée par des avancées significatives dans les domaines des sciences, de la philosophie, des arts et du commerce.
Q2. Quelles étaient les principales réalisations scientifiques de cette période ?
Durant cette époque, les savants musulmans ont fait des progrès remarquables en médecine, mathématiques et astronomie. Ils ont développé l'algèbre, perfectionné la trigonométrie, et réalisé des observations astronomiques précises. Des figures comme Avicenne et Al-Khwarizmi ont grandement contribué à l'avancement des connaissances.
Q3. Comment la diversité culturelle a-t-elle influencé la société islamique médiévale ?
La civilisation islamique médiévale était caractérisée par une grande diversité religieuse et linguistique. Cette pluralité a favorisé les échanges culturels et intellectuels, contribuant à la richesse et à la prospérité de la société. Les villes comme Bagdad, Le Caire et Cordoue étaient des centres cosmopolites où cohabitaient différentes communautés.
Q4. Quel a été l'impact de la période islamique sur l'Europe ?
La civilisation islamique a joué un rôle crucial dans la transmission des connaissances antiques vers l'Europe médiévale. Les traductions d'œuvres arabes en latin, notamment en Espagne et en Sicile, ont contribué à la renaissance intellectuelle européenne. Sans cette transmission, la Renaissance européenne n'aurait probablement pas eu lieu sous la forme que nous connaissons.
Q5. Pourquoi cette période est-elle souvent négligée dans les récits historiques modernes ?
L'héritage de la période islamique a souvent été minimisé dans l'historiographie occidentale, en partie à cause d'une vision eurocentrée de l'histoire. Cette perspective a créé artificiellement un "âge des ténèbres" entre l'Antiquité et la Renaissance, ignorant ainsi la brillante civilisation qui florissait alors au Moyen-Orient et en Méditerranée. Aujourd'hui, les historiens travaillent à réévaluer l'importance de cette période dans l'histoire mondiale.